Désert Cup,
la réalisation d'un rêve...
Deux années à rêver, à regarder sans cesse les reportages dans les magazines, à lire entre les lignes pour laisser mon imagination vagabonder, à compter le moindre grain de sable sur les photos de cette course, en me disant "il faut que je la fasse".
Et voilà, en ce début du mois de novembre 2002, je suis rentré dans le reportage et fait maintenant partie intégrante des photos souvenirs.
La Désert Cup : c'est une course en auto-suffisance alimentaire totale de 168 km non stop à réaliser en moins de 62 heures. 4 créneaux horaires sont définis pour sa réalisation, ce qui détermine l'alimentation en calories que les concurrents doivent emporter. Seul un ravitaillement en eau est prévu tous les 18 km environ. Pour cette année la course fût inversée avec un départ de Pétra pour une arrivée dans le gigantesque et fabuleux désert du Wadi Rum.
Après un vol Paris - Amman d'une durée de 5h15, puis 3h de car, nous sommes arrivés au bivouac (situé à 10 km de Pétra) le dimanche soir vers minuit. Conduits à nos tentes en 4x4, l'installation s'est faite dans le noir, sous une tempête de sable, enfin j'étais arrivé et heureux d'être là... l'Aventure avec un grand A pouvait commencer.
7h00 : Le lundi matin découverte au grand jour de notre hôtel à "zéro étoile" au bivouac, pas le grand luxe, mais un toit quand même pour encore une nuit.
8h00 : le petit déjeuner composé de galettes de pain, thé ou café, confiture d'abricots et jus d'orange... mais pas de chaise !
9h00 : Briefing des concurrents avec le directeur de course et organisateur de l'épreuve Patrick Bauer. Au menu : message de bienvenue, déroulement et règlement de l'épreuve et respect des sites traversés.
10h00 : Contrôle technique (présentation du matériel obligatoire), médical (électrocardiogramme, certificat médical), prise de notre dossard, kit de survie, carte de pointage et enfin remise de tout nos effets personnels qui nous seront rendus après la course. L' autosuffisance vestimentaire commence.
12h00 : repas rapide (crudités, poulet, riz, yogourt et pomme) avant de partir pour Pétra.
Pétra : la cité Nabatéenne aux 800 temples.
13h30 : arrivée sur le site, là où le départ de la course s'effectuera le lendemain. Deux heures de marche dans cette immense vallée de plusieurs kilomètres que l'on ne visitera pas entièrement (pour ne pas laisser trop de jus). Il faut en profiter aujourd'hui car demain la traversée du site sera beaucoup plus rapide.
19h00 : dernier repas avant la course (crudités, poulet, pâtes, yogourt et banane), après celui-ci... auto-suffisance complète.
21h00 : extinction des feux car la nuit sera courte pour moi, le stress de cette première aventure sur une course de ce niveau là commence à venir, malgré que je ne sois pas bileux de nature (le contenu du sac re-défile dans ma tête, est-ce le bon choix de nourriture ? etc...).
5h30 : Mardi "Le grand jour" ce moment tant et tant de fois imaginé est arrivé !
Après un petit déjeuner (cake aux raisins, café auto-chauffant, barres énergétiques), c'est le moment de la préparation "physique" (protection de tous les endroits sensibles aux frottements), légers étirements, dernières vérifications du contenu du sac (gare aux pénalités). Maintenant ça y est, je suis dans la course, un peu de stress, mais sans plus et prêt à partir pour prendre le car à 7h30, direction le site de Pétra.
Contenu minimum obligatoire du sac à dos pour tous les concurrents :
- un sac de couchage
- un sweat-shirt
- un coupe vent
- une couverture de survie
- une lampe frontale, ampoules et piles de rechange
- une boussole
- un briquet
- un couteau
- un antiseptique cutané
- une pompe aspi venin
- un sifflet
- un miroir de signalisation
- 2 bidons d'eau de 50 cl
- 2000 calories de nourriture de survie scellées par l'organisation
- une fusée de détresse
- des pastilles de sel
- 2 bâtonnets lumineux
Et enfin 3000 calories de nourriture pour la course correspondant au créneau de 36 heures que j'avais choisi, plus les effets personnels.
Tout propre, tout neuf : tout sur moi ou presque (à part les lunettes, le short et quelques kilomètres pour les chaussures) sera utilisé pour la première fois (première course avec sac à dos), je suis prêt et la ligne de départ est là derrière et oh surprise, tout va bien, pas de pression, pas de stress, l'ambiance entre coureurs est bonne et j'attends le départ avec impatience.
8h20 : Derniers bavardages entre concurrents car dans dix minutes le départ sera donné. Les bavardages se feront très rares au bout de 1,5 km. Plus de 500 marches et 8,5 km de montée dont quelques portions très raides (nos mains ne seront pas inutiles). Le parcours est montagneux pendant les 41 premiers kilomètres, puis 23 km de piste vallonnée et pour finir 104 km de sable pas spécialement plat 900 m de dénivelé) pour un total de 2400 m positifs et de 2500 m négatifs.
Petite photo souvenir en compagnie de l'italien Marco OLMO et futur vainqueur de la course. Moment à part, car c'est un personnage très secret. Pourquoi a-t-il accepté de poser avec moi ? Et pourquoi me dire quelques mots "j'espère que cette photo te portera chance" ?
Eh oui, elle m'a porté chance ! Merci Mr OLMO.
8h30 : C'est parti pour 168 km non stop pour moi (si tout va bien), et au bout de 1,5 km en faux plat descendant les marches promises par l'organisateur...
...Après les marches, la montagne, ça grimpe et ça grimpe toujours, "mais que la montagne est belle"...
Une petite pose pour la photo et profiter du paysage, car on arrive enfin en haut de cette première grimpette et maintenant un peu de descente pour nous dégourdir les jambes car ça chauffe dur dans les bielles !!!
Après cette balade en montagne assez cassante, la partie de piste vallonnée nous permet de nous refaire un peu, de retrouver un rythme relativement régulier de course pendant un peu plus de 20 km.
Là où sont les grands drapeaux blancs, flottant au vent, est pour nous le signe de ravitaillement en eau (et ils peuvent se voir à plusieurs kilomètres).
Heureusement que la chaleur n'a pas été trop accablante pendant cette partie montagneuse, mais soif quand même ! Une bonne quinzaine de litres durant la course et pas de grenouilles !
Vers 16h30 le jour tombe, et le désert commence. Les premiers kilomètres se feront avec une visibilité minimum (la flemme de m'arrêter pour prendre la lampe frontale qui était dans mon sac à dos, car à chaque arrêt le redémmarage est dur !!! alors mieux vaut courir). Petite frustration quand même, c'est de faire 12 heures de course la nuit, dans le Wadi Rum, le désert de Lawrence d'Arabie car le paysage doit être grandiose et je m'en rendrai compte le matin.
Un "stop and go" dans un CP la nuit (durée moyenne d'un arrêt pour moi : une dizaine de minutes, le temps de vider le sable des chaussures, de m'alimenter et c'est reparti), le froid est là, environ 6/7° et mieux vaut se couvrir, enfin presque car 200 m après, je me suis remis en short !
Ah la nuit... le moment de vérité, là où le mental intervient, où tout devient dur après 10/12 heures de course.
Ah la nuit... où les pas deviennent de plus en plus hésitants par manque de visibilité ou par une foulée de plus en plus rasante, attention aux cailloux dont on ne devine pas la hauteur... et c'est la "gamelle" assurée !.
Ah la nuit... où l'on ne se rend plus compte de la difficulté des côtes et des descentes ou des différentes duretés du sable. Cela devient dangereux car l'on peut courir sur du sable dur et d'un seul coup se planter le pied dans le sable mou... et c'est "re-gamelle" assurée !!!
Ah la nuit... où l'on aperçoit les CP au loin (4/5 km avant) que l'on peut mettre plusieurs heures à atteindre !!! Là, il faut être fort mentalement, car si on craque... c'est le sable comme sommier !
Mais bon, on est venu pour ça. On se motive en regardant le ciel, au défilé d'étoiles filantes (je n'en avais jamais vu autant de toute ma vie !) qui ajoutait un peu de lumière dans ce ciel sans lune. C'est maintenant que tout prend une grandeur et une dimension jamais ressenties auparavant. Se retrouver là, seul, à s'entendre respirer, c'est vraiment magique, on entre en communion totale avec la nature. Des moments inoubliables, et petit à petit, de CP en CP, la nuit passe et la course se poursuit avec au bout une autre récompense : le lever de soleil dans ce désert que l'on découvre peu à peu.
Enfin le jour et du sable mou...
Environ 6h00 : le jour s'est levé, et les paysages de ce désert sont magiques, grandioses, toute notion de distance est inexistante.
Le levé de soleil est magnifique et donne des couleurs éclatantes à ces rochers flottants comme des îles sur une mer de sable multicolore.
Après 12 heures de solitude dans le noir, où le moral devient plus important que le physique, quelle récompense de voir ces gigantesques décors.
Mais encore 5 heures de course environ et le plus pénible reste à faire car le sable est maintenant de plus en plus mou. Alors marche forcée, rapide et dès qu'une portion de sable plus dur se présente, quel bonheur de recourir !
9h00, 10h00, 11h00, 11h06 du matin : Et voilà l'arrivée, mais pas de photos, j'avais fini la pellicule !
Enfin, j'étais tellement heureux avec cette 14ème place et ce temps de 26h36'57''. Pour une première, ce fut une belle surprise et j'ai vraiment savouré cette place, d'autant plus que j'ai doublé un dernier concurrent à trois kilomètres de l'arrivée !
Encore du sable, mais là c'est cool, les doigts de pieds en éventail. Une petite bronzette sur le bord de la mer Rouge ne pouvait que nous requinquer !
Tenue de soirée pour la cérémonie de clôture la veille de notre retour sur Paris.
Quelle expérience ! J'aurai beaucoup appris durant cette épreuve en écoutant les meilleurs et en observant beaucoup au bivouac. Une satisfaction aussi, ma préparation, car je finis la course certes fatigué, mais intact musculairement. Heureux d'avoir pu rester fidèle à ma manière d'aborder les courses qui est d'être toujours en dedans, pour pouvoir profiter pleinement de l'événement.
En conclusion de cette épreuve : Je pense avoir trouvé le style de course qui me convient le mieux par rapport à mes "qualités" physiques où l'endurance et surtout le mental font la différence. Avec le recul, un peu plus long en distance serait, je pense, encore mieux pour moi.